«Ainsi, dans l'histoire de l'iconographie chrétienne, il est frappant de constater que, jusqu'au XII, le Christ n'est que très rarement représenté mort sur la croiz: soit la croix est vide, soit le Christ est représenté ressuscité, glorieux. Sur les vitraux des cathédrales, par exemple à Chartres, la croix est en trois couleurs: rouge du sang versé, vert de l'arbre de vie, or de la gloire. Dans le choeur des églises anciennes, la représentation centrale est celle d'un Christ en gloire, partie prenante de la création (Pantocrator) - ou piétinant les portes de l'enfer pour en tirer l'homme et la femme et remonter avec eux vers la vie, selon l'une des représentations symboliques de ce que la tradition évangélique appelle «la réssurrection». L'allusion à la souffrance est bien présente, mais comme quelque chose qui débouche sur une vie nouvelle.
La souffrance est traversée. Cette souffrance, en tout cas, n'est pas conçue comme le lieu où l'on demeure, mais comme le lieu d'un déplacement. Celle qui est présente dans la vie de tout homme est-elle susceptible d'être traversée elle aussi? La question se pose de savoir si un tel «passage» existe vraiment: dans ce tunnel obscur, une trace peut-elle mener vers autre chose? Je me propose de revenir aux textes fondamentaux, pour voir quelle théologie ils nous proposent en ce domaine. Plutôt de remonter vers une source qui a besoin d'être désensablée. Je laisse à d'autres le soin de montrer dans quelles circonstances historiques la période baroque a modifié la donne en installant au coeur des églises et de la spiritualité chrétienne un Christ ensanglanté et mort, objet de toutes les dévotions et jouissances morbides.
Signification théologique
Poser la question de la signification théologique de la souffrance du Christ, c'est se demander comment est perçue l'implication de Dieu dans cette souffrance, Qu'est -ce qui se dévoile comme rapport entre la souffrance, la mort du Christ - et Dieu lui-même? Dès le début, les écrits du Nouveau Testament soulignent que Dieu (le Père) est celui qui est présent à la croix, présent à cette souffrance, présent à cette mort. Saint Paul a une parole étonnante: «Dieu était là, se réconciliant le monde» (II Corinthiens 5, 19). Très loin de l'imagination perverse qui voit le Père laver son honneur dans le sang de son fils, ce qui est au coeur de la première théologie chrétienne, c'est cette manière dont, dans la croix du Christ, est donné aux hommes une trace de l'identité véritable de Dieu: non pas un Dieu «au dessus», lointain, ou «en face», mais un Dieu proche, même s'il reste caché. Cette intuition, présente dans les écrits de Saint Paul figure aussi en filigrane dans l'Évangile de Jean, où Jésus a cette parole: «Qui me voit voit le Père» (Jean 14, 9). Elle se trouve aujourd'hui de plus en plus fortement soulignée par les théologiens: en cet homme Jésus, c'est Dieu qui se livre sur la croix et qui assume cette mort.»
Jean-Claude THOMAS, "La souffrance du Christ: aperçus théologiques", in la célibataire (Revue de Psychanalise) nº. 16, PRINTEMPS-ÉTÉ 2008.
Sem comentários:
Enviar um comentário